SECONDE CROISADE 1996 - AUJOURD'HUI - PARTIE 2
 
 

On peut mentalement diviser le disque en deux parties. Une visite dans leur musée personnel et la découverte du temps présent. Pour le passé, la période Beck est mise en évidence. En général, ils ouvrent les concerts sur les accords de "I'm Not Talking", c'est un bon titre pour chauffer la salle. La version ici présente est assez fidèle au standard de Mose Allison revisité par eux en 1965. Le piège de la reprise des vieux hits est bien contourné. Le succès qui les révéla, "For Your Love", est dans l'esprit de ce que quelqu'un d'autre aurait pu faire avec, sans coller un papier carbonne sur la partition. Un autre incontournable de la discographie "The Nazz Are Blue", sans doute le titre le plus proche des racines dérivées du blues de la première époque. Une version plus actuelle dans le son, le digital frappe encore, mais sans blesser personne. On ne pouvait manquer de revisiter "The Train Kept A-Rollin" le classique des classiques. Le solo de guitare de Joe Satriani est une petite perle, a déguster devant un bon whisky. Pour pas mal de monde, les Yardbirds volèrent encore plus haut dans le ciel, dès ils mirent en boîte "Shapes Of Things" en 1966. Nous sommes bien plus tard, mais la magie opère toujours. Version innovante par rapport à son ancêtre, c'est toujours un plaisir de voir que l'on peut encore la manipuler selon le gré des musiciens présents. Les lecteurs du Record Collector, ont élu "Happenings Ten Years Time Ago", comme meilleur classique de la musique psychédélique anglaise. La reconnaissance est tardive, mais il est à la place où il doit être. Quel groupe en 1966, était capable de pondre un truc aussi désarmant pour les oreilles de la chambre des Lords? Un seul! Il se devait de figurer ici à titre de rappel pour ceux qui l'ont oublié, mais il ne doivent pas être si nombreux. Délicieuse nouvelle version, pour ceux qui après 27839 écoutes, montreraient un très, très, léger signe de lassitude et un disque complètement usé. Il en est une qui a peut-être vieilli au niveau musical, mais qui est toujours d'une brûlante actualité au niveau des paroles, "Mr You're A Better Man Than I". La première chanson contestataire de leur répertoire, dans cette nouvelle excellente mouture rajeunie pour la cause, encore un grand classique, un! Les Yardbirds, un groupe pop qui écoutait les sonorités venues d'Orient. Ce n'est pas un critique musical qui a dit cela, mais un policier à la retraite dans un de ses bouquins. Il a sans doute écouté "Over Under Sideways Down" en tapant sur son clavier. Il pourra sans doute écrire la suite en écoutant la version 2003, dernier des anciens titres figurant dans ce nouvel album. Version plaisante s'il en est.
Voyons maintenant ce qu'il en est des nouveautés, comment la magie peut encore opérer. Une grande partie des compositions originales reposent sur les épaules de Jim Mc Carty. Pas moins de cinq sont, paroles et musique, de sa plume. La première "Crying Out For Love", n'est pas une absolue nouveauté. Les fans la connaissent pour l'avoir entendue sur le CD de réunion en 93, et sur une cassette du Jim Mc Carty Band. Le truc le plus génial et étonnant quand vous l'écoutez pour la première fois, c'est que vous croyez qu'il s'agit d'une reprise. En effet, cela sonne comme un reprise. Vous avez beau chercher, qui de Status Quo ou de Deep Purple, l'a enregistré avant. Cherchez bien vous trouverez pas. Si un programmateur radio avait voulu lancer un nouveau tube, c''était un hit record possible. A n'en pas douter, Mr Mc Carty lit le journal de temps en temps et n'aime pas trop ça. Le titre, "Please Don't Tell Me 'bout The News", est un regard sur le monde de l'information. C'est pas sans rappeler musicalement une inspiration Bo Diddley, faisant une jam avec un orchestre de jazz et des bluesmen. Quel mélange, pour le moins agréable. Tout aussi intéressant, une autre réflexion sur le monde, "Mr Saboteur", celui qui vous espionne, qui vous pique vos idées pour les vendre au plus offrant. Un tempo assez lent et pesant, comme le personnage évoqué. Nos gloires de la chanson française ont souvent mis en musique les poètes et écrivains du cru. Ici, il s'agit d'un anglais très connu, Edgar Allan Poe sur un de ses textes, "Dream Whitin A Dream". Trouver une musique qui colle au texte, un travail tout trouvé pour Jim Mc Carty.Le résultat est une merveille. Assurément un des temps forts de l'album, le truc qui devrait venir grossir la discothèque, côté incontournables. A noter que ce titre fut interprété auparavant par Philgrim, incarnation new age sur une production de l'auteur. Ce que l'on pourrait qualifier de pop plus classique avec ses effets de guitare et ses choeurs, "Mystery Of Being", est très prisé lors des concerts. Chris Dreja, directeur artistique de l'emballage, a améné avec lui sa contribution, "My Blind Life", un de ces ambiances pesantes et intimistes, qui n'est pas étrangère à ce que certains groupes de musique dite progressive, aimaient bien enregistrer au tournant des seventies. Du Captain Beefheart, en passant par les Deviants, il y a de quoi faire des comparaisons pour ceux qui connaissent. Assurément une belle trouvaille, qui colle bien avec les oh et les ah que peuvent soulever les autres titres. Joli jeu de guitare de M. Jeff Beck. Pour clore la série, dans une composition collective, le groupe rend un hommage. Il est sans doute le grand absent , celui qui peut manquer le plus au reste de la troupe. Non il ne s'agit pas de Eric Clapton ou de Jimmy Page, mais bien de Keith Relf, le chanteur original et défunt de la formation. Nous ne savons pas ce qu'il peut penser de ses collègues depuis là bas. Mais on sait au moins ce qu'ils pensent de lui. Tout se résume dans "An Original Man", un bel hommage.
Tous les adorateurs des Yardbirds et plus spécialement les contemporains qui vécurent l'aventure en direct auront sans doute tremblé et tremblent encore maintenant. Savoir qu'un nouveau disque des Yardbirds est sorti chez le disquaire a de quoi soulever des questions. Plus d'un fut attrapé par le coup de la nouveauté qui n'en est pas une. Vaut-il mieux se taire après un si long silence ou considérer le présent comme une aventure jouable? Les questions sont sans réponses pour ceux qui ne connaissent pas "Birdland". Les autres ont effacés tous les doutes, il n'en reste plus l'ombre d'un. Oui, les Yardbirds sont toujours un grand groupe. Oui, ils sont capables de créer encore l'événement. Ils sont bien là et vivants. Pour ceux qui hésitent, si un jour vous trouvez un CD emballé dans une pochette avec d'étranges oiseaux imprimés dessus, sachez que ces oiseaux connaissent le chemin du paradis, un paradis uniquement musical, mais paradis quand même.
Depuis bientôt dix ans que les Yardbirds ont repris la route, la publication de ce disque est l'événement marquant par excellence. La critique ne s'est pas privé de dire tout le bien qu'elle pouvait en penser. Sans soulever les grandes vagues de la presse people, les revues spécialisées ont bien joué le jeu. Pas un curieux n'a pu manquer de lire un commentaire assez enjoué, pour se retenir de l'écouter. Depuis sa publication, le groupe a connu deux changements. L'harmoniciste Alan Glen, a quitté le groupe remplacé par le très efficace Billy Boy Miskimmin. Comme son prédécesseur, il est un transfuge de Nine Below Zero, décidément grand fournisseur, après Mike Feltham, de passionnés de l'harmonica qui accèdent à ce qui fut une de leurs sources d'inspiration. Après un apport considérable au sein de l'équipe, Gypie Mayo a cédé sa palce à Jerry Donahue, un musicien qui a plus de quarante ans de métier derrière lui. A ses débuts membre des Zephyrs, une formation née de la Beatlemania, membre de Fotheringray, Fairport Convention, guitariste de Johnny Hallday au tournant des seventies, soliste, musicien de session, tout ça pas forcément dans l'ordre, il y de quoi contenter chacun. Malheureusement c'est un musicien très pris, qui ne peut mener de front plusieurs plusieurs carrières, surtout par manque de temps. Après quelques mois, il cède sa place à un nouveau venu. Sa jeunesse et son art font tout de suite l'unanimité autour de lui. On va sûrement encore entendre parler de lui pendant longtemps. On peut l'entendre sur le nouvel album 2007 enregistré au B.B.King à New York.

L'aventure des Yardbirds qui se raconte au passé se termine ici. La suite, c'est maintenant, c'est demain, c'est toujours. L'avenir du passé des Yardbirds étant assuré, il reste le futur qui est une promesse de merveilleux moments que nous pouvons partager sur leur route qui passera, sans nul doute, un jour près de chez vous.